CHAPITRE XX
Courant comme une folle dans les couloirs, Winter était arrivée dans la grotte, reliée à la base, qui servait de hangar d’atterrissage aux vaisseaux de ses rares visiteurs.
Blaster au poing, elle était parfaitement consciente que ses cheveux blancs et sa robe aux vives couleurs en feraient une cible facile à repérer, même dans la pénombre.
Après être parvenus à détruire la porte principale de la base, les cinq octopodes étaient immobiles dans la grotte, cockpits ouverts. Les commandos allaient bientôt sortir et passer à l’attaque.
Balayant la scène du regard, Winter fit un rapide compte. Chaque engin transportait deux hommes. Cela lui faisait huit cibles à abattre.
Elle pointa son blaster sur le premier soldat en armure blanche qui venait de toucher le sol.
Winter tira trois fois, sans pouvoir dire si tous les rayons avaient fait mouche. Qu’importait, puisque le commando venait de s’écrouler, son armure percée d’un large trou noir.
D’autres Impériaux sortirent des octopodes et prirent Winter pour cible.
La protectrice d’Anakin dut se mettre à couvert derrière un rocher. Du coin de l’œil, elle vit s’ouvrir le cockpit du dernier véhicule. Il abritait un commando et un homme court sur pattes aux lèvres épaisses et aux sourcils broussailleux.
Les autres Impériaux continuant à la canarder, Winter se replia derrière un autre rocher.
Deux possibilités s’offraient à elle : rejoindre Anakin et le défendre jusqu’à son dernier souffle, ou attirer sur elle l’attention des sept derniers Impériaux pour les empêcher d’approcher du bébé.
Winter appuya sur la détente du blaster, tirant au jugé. Le petit homme se cacha derrière un octopode et cria :
– Délogez cette femme de là, vite !
Un commando encore assis dans son engin braqua ses lasers sur la cible et fit feu.
Juste au-dessus de la tête de Winter…
– Ne la tuez pas ! cria Furgan. Réglez vos armes sur anesthésie tant que nous n’aurons pas eu l’enfant.
(Il fit signe au sergent qui était sorti de l’octopode avec lui.) Suivez-moi, nous partons… en reconnaissance. Les autres, capturez cette furie !
L’ennemi agissait exactement comme Winter l’avait espéré. Elle fit volte-face et se précipita dans un couloir, certaine que le gros de l’unité d’assaut allait la suivre.
A une intersection, elle emprunta un tunnel qui conduisait aux « sous-sols » de la base. En chemin, elle referma à la volée plusieurs portes blindées.
Les Impériaux la suivirent, utilisant des détonateurs thermiques pour faire sauter les obstacles qui se dressaient sur leur chemin.
Dans sa course, Winter les conduisait le plus loin possible du bébé. De plus, elle les entraînait au cœur d’un labyrinthe dont ils n’étaient pas près de pouvoir sortir…
Les Impériaux faisaient feu chaque fois qu’ils apercevaient leur proie, mais celle-ci connaissait trop bien le terrain pour se laisser tirer comme à l’exercice.
Quand elle eut enfin réussi à conduire ses poursuivants dans la salle du générateur et des ordinateurs, Winter poussa un bref soupir de soulagement – la seule excentricité émotionnelle qu’elle fût disposée à se permettre.
Au premier coup d’œil, la vaste pièce ressemblait à l’intérieur d’une antique machine envahie de tuyaux, de rouages, de conduits de refroidissement et autres pompes à l’utilité énigmatique. L’unité centrale de l’ordinateur émettait une lueur surréaliste. Les terminaux eux-mêmes, encastrés dans une multitude d’appareils mystérieux, composaient un tableau à donner le tournis à l’ingénieur le plus blasé.
Winter savait que tout cet équipement n’était qu’un leurre.
Les commandos hésitaient sur le seuil de la salle comme s’ils avaient flairé un piège. Sachant comment les appâter, Winter se retourna et tira. Vifs comme l’éclair, les cinq hommes plongèrent à couvert. Leur adversaire ayant cessé le feu, ils se ruèrent dans la salle.
Leur proie n’essaya pas de se cacher. Elle approcha de l’unité centrale, puis se dirigea vers le fond de la pièce, se faufilant entre des tuyaux et des panneaux de contrôle totalement dépourvus d’utilité.
Les commandos avancèrent, tirant au jugé.
Winter riposta, histoire de les provoquer et de s’assurer qu’ils ne sortent pas de la salle. Ricochant sur une tubulure factice, un de ses rayons toucha un commando au bras droit, faisant fondre son armure immaculée.
Pour ses adversaires, la protectrice d’Anakin semblait coincée au fond de la salle. Triomphant, ils avancèrent.
Ils étaient à mi-chemin quand les murs commencèrent à bouger.
Les tuyaux inutiles, les panneaux de contrôle et les terminaux insensés se déplacèrent et se combinèrent pour former des structures de plus en plus reconnaissables.
Une section entière de droïds assassins venait de se former sous les regards incrédules des commandos.
Les robots ouvrirent le feu, obéissant à leur unique programmation : détruire les soldats de l’Empire.
Winter n’avait pas eu besoin d’intervenir, car les droïds connaissaient bien leur travail. Sauf ordre contraire de l’amie de Leia, ils tiraient sur tout ce qui n’était pas les enfants Jedi ou leur protectrice.
En moins de deux secondes, leur feu croisé hacha menu les commandos, dont il ne resta bientôt plus que cinq tas de métal fondu strié de sang. Il n’avait même pas eu le temps de riposter.
Un agonisant poussa un dernier cri, puis se tut pour l’éternité.
La pénombre étendit son voile sur le carnage…
Winter avança lentement entre les corps. Baissant la tête, elle planta les yeux dans la visière noire d’un de ses ennemis défunts.
– Il ne faut jamais sous-estimer son adversaire, mon vieux.
Ce fut la seule oraison funèbre des cinq commandos.
Tandis que le sergent et lui couraient dans les couloirs de la grotte, l’ambassadeur Furgan s’efforçait de rentrer la tête dans les épaules.
Le petit homme n’avait aucun entraînement au combat, mais il faisait de son mieux pour imiter les mouvements fluides et précis de son compagnon. Un blaster au poing, il s’assurait toutes les trente secondes que l’arme était fonctionnelle.
Les tunnels étaient à peine éclairés. A chaque intersection, le sergent avançait prudemment, blaster pointé. Quand la voie se révélait libre, il faisait signe au diplomate de le suivre.
L’objectif des deux hommes était d’une extrême simplicité : localiser le bébé, s’en emparer, et retourner aussi vite que possible à leur octopode. Jusque-là, ils avaient trouvé de petits entrepôts, une salle à manger, et même une chambre d’adulte vide, mais pas trace d’un enfant.
Montant du sol, Furgan entendit le lointain écho de décharges de blasters.
– Je leur avais dit de ne pas la tuer ! Pourquoi ces crétins ne m’ont-ils pas écouté ? Maintenant, nous allons devoir chercher pendant des heures…
– Il semble bien, monsieur, répondit le sergent, aussi inexpressif que tous ses camarades.
La prochaine porte qu’ils rencontrèrent était blindée. Utilisant un laser, le sergent découpa le panneau de commande et déclencha l’ouverture.
– Bien joué ! apprécia Furgan.
La porte donnait sur une pièce aux couleurs pastel. Des jouets traînaient un peu partout.
Dans un coin, un droïd à quatre bras essayait de protéger un tout petit enfant.
– Ah ! Nous y voilà enfin ! s’exclama Furgan.
Il entra, suivi par le sergent, blaster brandi. A part le droïd TDL, il ne semblait pas y avoir de système de défense.
– S’il vous plaît, veuillez vous retirer, dit le robot d’une voix très douce. Vous dérangez le bébé…
Furgan éclata de rire.
– Voilà leur seule défense ? Une nounou artificielle ? Nous avons envoyé huit octopodes pour combattre ça ?
Le droïd était debout devant l’enfant, assis paisiblement sur le sol. Utilisant sa paire de bras inférieure, la machine déplia le bouclier antilaser fixé à son torse et le posa devant Anakin.
– Vous ne pourrez pas avoir cet enfant ! prévint le droïd. Sachez que je suis programmé pour le défendre à n’importe quel prix.
– Que c’est touchant ! Eh bien, je vais faire ce qu’il faut pour enlever ce gosse, quel qu’en soit le prix. (Il se tourna vers le sergent, sourit, et dit :) Le bébé ! Et vite !
Le soldat avança d’un pas. Le robot tendit ses quatre mains pour l’arrêter.
– Je suis désolé, mais je ne peux pas vous laisser faire ça. (Il s’adressa à Anakin.) Mon petit, ferme les yeux.
– Qu’attends-tu donc ? lança Furgan au sergent. Ça n’est qu’un robot puériculteur !
Avec un petit bruit métallique, les quatre mains du droïd tombèrent sur le sol, dévoilant des canons de fusils-blasters.
– Je suis un droïd TDL très amélioré ! Et il n’est pas question que vous fassiez du mal à cet enfant !
Quatre rayons transpercèrent la poitrine du sergent avant qu’il n’ait pu appuyer sur la détente de son arme. Soulevé de terre, il alla s’écraser contre la porte.
Furgan poussa un cri de terreur. Pris de panique, il tira à l’aveuglette, faisant fondre la jolie peinture des murs.
Le droïd braqua sur l’ambassadeur ses quatre mains assassines.
Conscient que sa dernière heure risquait d’être, arrivée, Furgan continua à tirer en hurlant comme un possédé. Coup de chance incroyable, il parvint à toucher le robot à la tête, sa seule zone sensible.
Une aura bleue parcourut le corps du droïd et des étincelles jaillirent de ses articulations. Ses bras s’immobilisèrent, comme grippés. Puis son torse implosa.
Derrière le bouclier, l’enfant se mit à pleurer.
Un sourire sur ses affreuses lèvres, Furgan se félicita de sa bonne fortune. Puis il enjamba le corps du sergent et la carcasse du robot pour s’approcher de l’enfant.
Il tendit la main, saisit Anakin par le bras et le souleva comme un sac de pommes de terre. A dire vrai, le diplomate ignorait tout de l’art d’être grand-père, surtout quand le petit bougre braillait comme ça.
– Viens avec moi, mon enfant. Un destin galactique t’attend. Oui, tu as bien entendu : galactique !